BEAUGRAND, René (1875-1934)

René Beaugrand (1875-1934)

Jean, Francis, Octave, René Beaugrand est né à Lille le 27 septembre 1875, au 16 de la rue des Frères Vaillant, à deux pas de la Place de Tourcoing. Son père, Francis Beaugrand, né en 1842, a fait toute sa carrière à Lille dans l’Administration des Postes et Télégraphes. Sa mère, Octavie Lenglin, est née en 1850 à La Bassée, et mourut prématurément à l’âge de 42 ans d’une grippe maligne, laissant deux orphelins de 17 et 18 ans, Berthe la sœur ainée et René. Leur père resta veuf. D’une grande culture, c’était un passionné de la lecture des auteurs classiques.
 
René Beaugrand fit de brillantes études au Lycée Faidherbe de Lille où il passa le baccalauréat par dérogation à l’âge de 15 ans, terminant à 23 ans ses études médicales à la Faculté de Médecine de Lille. Travailleur acharné, il eut comme amis, Oscar Lambret et Georges Gérard, qui devint professeur d’anatomie à la Faculté de Médecine de Lille. Il passe sa thèse à 22 ans sur le sujet des paralysies traumatiques des muscles de l’œil sous la direction de son Maître, le professeur de la Personne. Il part alors au service militaire comme médecin auxiliaire au 11ème régiment de chasseurs alpins à Annecy. Il s’illustra par les soins qu’il donna à un sergent fourrier qui s’était blessé grièvement dans la cour de la caserne et qu’il sauva alors qu’on le considérait comme mort. Il découvrit la Savoie au cours de manœuvres d’été, il en garda toute sa vie le souvenir par les nombreuses photographies qu’il en rapporta.
 
A l’issue de son service militaire, faute de moyens financiers pour faire une carrière universitaire ou s’installer dans le privé, il devient en 1898 médecin des mines à la fosse 8 de Violaines. Le médecin des mines était alors payé à la tête de mineur 4 francs par an. Il fit ses nombreuses visites, d’abord à vélo, puis à tricycle, à moteurette Terrot avant de pouvoir acquérir, en 1905, une automobile de Dion. Mécanicien de talent, il lui arrivait de démonter le moteur et de le réparer de nuit avant de reprendre ses consultations le matin. Bricoleur de génie, il fut l’un des premiers à électrifier sa maison utilisant un moteur de motocyclette, une dynamo et une batterie d’accumulateurs. Il construit un thermocautère dont Oscar Lambret fera l’éloge dans un article de L’Echo Médical le 2 octobre 1904 disant qu’il était d’une « simplicité idéale et d’un fonctionnement merveilleux ».
 
En 1905, il épouse Marie Mourère, la fille d’un ingénieur des mines de Béthune. Une petite fille naquit en 1906 mais ne  put survivre mais fut suivie de trois garçons, Francis en 1907, Pierre en 1908 et André en 1911.
 
En 1914, à 39 ans, il est mobilisé et affecté comme médecin aide major de 1ère classe à l’Hôpital de Saint Omer. Devant l’avance allemande il est replié sur Lisieux puis il revient à Saint Omer comme chirurgien de place, son activité de médecin généraliste à la campagne l’ayant amené à pratiquer fréquemment des actes chirurgicaux sur de simples tables de cuisine. Il bénéficie des appréciations les plus élogieuses, tant comme médecin que comme chirurgien. En 1915, il est nommé médecin chef de l’Hôpital de Moulle dans le Pas-de-Calais, et se voit proposé comme médecin major de 2e classe. Affecté dans une ambulance militaire en 1916, il construit de ses propres mains une antenne chirurgicale, agissant comme maçon, menuisier, vitrier. En septembre 1916, il construit un nouvel appareil à chloroforme avec une douille d’obus de 75, puis il construit un évaporateur à éther en zinc avec un dispositif de réchauffement du gaz et de soupapes, dont il usine les différentes pièces, qui lui parait supérieur à la vessie de porc de l’appareil d’Ombredanne et à l’appareil de Ricard. Il travaille également le cuivre et le nickel pour usiner les instruments. Il obtiendra en 1916 et en 1917 les brevets d’invention des appareils à chloroforme et à éther, et la maison Collin, qui en construit une petite série, lui proposera 25% sur le prix de 80 à 90 francs. Le « chloroforme au  Beaugrand » donne toute satisfaction à son ami Douriez de Saint-Omer, au docteur Thilliez de Béthune et au Professeur Gosset à Paris.
 
Malgré une intense activité opératoire, il écrit chaque jour quelques lignes à sa femme. Ces lettres constituent un journal de campagne riche en informations et en anecdotes. Il construit un appareil de mesure de la pression artérielle, s’intéresse à la photographie et construit son appareil et un agrandisseur. Parallèlement, il s’occupe de très nombreux blessés et s’emploie à inventer une prothèse  pour un amputé de la cuisse et des pilons de carton fort pour l’appareillage précoce des amputés de jambe. Ayant réalisé jusqu’à quarante amputations en une journée, il apprit aux amputés qu’il avait appareillés à fabriquer les pilons pour leurs camarades plus récemment opérés. Il réalise pour un amputé des deux mains une prothèse articulée utilisant les mouvements de pronation et de supination de l’avant-bras, dont il déposera le brevet d’invention. A son retour à la vie civile après la fin de la guerre, Oscar Lambret lui confie la mise en place d’appareillages pour mutilés au centre de Lyon, puis de Lille, et lui propose le poste de médecin-chef et chirurgien à l’Hôpital des mines de Marles à Auchel.

Lorsqu’il décéda le 4 décembre 1934, d’un cancer de l’estomac, malgré une tentative d’exérèse chirurgicale, il fut unanimement regretté, tant pour ses qualités humaines que professionnelles. Intelligent et cultivé, il avait un esprit extraordinairement inventif, une dextérité manuelle remarquable et une grande bonté. Ce fut un grand médecin dont notre région doit garder le souvenir.
 
En savoir plus : Fascicule sur René Beaugrand par ses enfants

Biographie rédigée par le Professeur Philippe SCHERPEREEL