L’évolution de la chirurgie dentaire 
depuis la préhistoire

En 1992, le Professeur Pol Danhiez proposait une conférence « L’évolution de la chirurgie dentaire de la Préhistoire à nos jours » sous l’égide de l’Association du Musée Hospitalier Régional de Lille dans le cadre du centenaire du diplôme de chirurgie dentaire. 
Vous trouverez ci-dessus une brève synthèse de cette conférence. 
Le fascicule complet est disponible dans notre fonds documentaire qui est consultable sur rendez-vous.

La Préhistoire
Si l’homme a pu tailler le silex, il a peut-être été capable de tenter l’extraction d’une dent. Plusieurs anthropologues notamment Boucher de Perthes ont cru pouvoir décrire des traces d’extraction sur des squelettes préhistoriques. La vie étant courte à cette période, les maladies buccales étaient limitées. La carie dentaire est une maladie de civilisation.

L’Antiquité
En Chine, le plus ancien livre de médecine connu comporte deux chapitres sur les maux odontologiques. Les maux violents appelés « Tou-tan-tong » sont soulagés par une pincée de préparation à base d’arsenic introduite dans la dent. La destruction des gencives est traitée par des pointes de feu. L’acupuncture permet également de traiter les affections des dents.

Les peuples du Proche-Orient sont des marchands. Ils sont en relation avec les Mongols, eux-mêmes en relation avec les Chinois. Des pointes de feu ont été retrouvées dans des ossements. Leur activité commerciale amena en Méditerranée des onguents pour apaiser les maux dentaires et du benjoin pour obturer les dents.

En Egypte, l’état des dentures des momies est excellent. Un « dentiste » de l’époque « Khouy » a exercé vers 2300 avant J.C.

Les peuples des civilisations américaines (Maya, Toltèque, Aztèque, Incas) connaissent le procédé de l’or coulé à cire perdue. Des substances anesthésiques (cocaïne et dérivés) sont utilisées. Des squelettes portant des traces de mutilations dentaires et d’incrustations de pierres précieuses ont été retrouvés.

En Grèce, Hippocrate a étudié l’anatomie des dents, leur physiologie et leurs maladies dans trois ouvrages. Il parle de germe dentaire et invente le terme de « dent de sagesse ». Il conseille les pointes de feu. Son élève Diocles met au point le « bisalque », instrument qui permet de retirer les flèches des plaies. Ce « bisalque » va devenir le pélican, utilisé à partir du XVIIe s. pour les extractions.

D’après les récits de l’époque, il existait une pratique dentaire à Rome. Des affranchis ou des esclaves sont chargés de cette tâche par leur maître. Le cabinet dentaire de Cassellius comportait un fauteuil à haut dossier, une table avec divers instruments, des fils d’or, du plomb et de l’ivoire. Les soins permettaient surtout d’éviter la mauvaise haleine et ils étaient réservés aux riches. Le reste de la population était victime de charlatans.

Le Moyen-age
Il n’y avait pas beaucoup de soins à cette époque. La priorité était de sauver les âmes avant de soigner le corps. Les prières, invocations et applications de reliques sont conseillées par les moines qui sont les seuls dépositaires de l’art de traiter les malades. En cas de douleurs dentaires, le peuple priait Sainte Apolline.

La médecine et la chirurgie sont pratiquées par n’importe qui. Celui qui fait office de « dentiste » peut être le maréchal-ferrant, le barbier ou le curé selon les circonstances. Les charlatans sont nombreux. La dentisterie est souvent une activité annexe des « barbiers-chirurgiens ».

Si la première Faculté de Médecine est créée en 1220 à Montpellier, il faut attendre le XVIe s. pour que la chirurgie dentaire « décolle ». Trois corporations se consacrent à l’art de guérir : les docteurs de Faculté de Médecine ; les chirurgiens de Saint-Côme (chirurgiens de longue robe) et les chirurgiens-barbiers (chirurgiens de courte robe)

La Renaissance
La chirurgie dentaire connait un renouveau en Italie. Des remèdes pharmaceutiques sont utilisés. L’obturation des caries dentaires à l’aide de feuille d’or est préconisée. Le camphre et l’opium apaisent les maux de dents.
En France, il y  de nombreux conflits entre médecins, chirurgiens de Saint-Côme et barbiers.
En 1533, Ambroise Paré ouvre une boutique de barbier-chirurgien et met au point de nombreux instruments préfigurant ceux utilisés de nos jours.

Le XVIIIe s.

Au début du siècle, le nombre de médecins augmente mais ils dédaignent complètement la pratique. Les remèdes sont farfelus.
A partir de 1750, les nobles commencent à avoir des problèmes de santé buccale. A Paris, des opérateurs arrachent les dents, des élixirs sont préparés pour l’hygiène buccale. Ils traitent le scorbut des gencives. Ils sont assistés de « tabletiers » qui confectionnent des prothèses.

Le XVIIIe s.
En 1700, quelques chirurgiens de Saint-Côme et des Barbiers-chirurgiens s’occupent de la dentisterie mais les charlatans sont nombreux.
Pierre Fauchard publie un ouvrage « Le traité des dents » et utilise pour la première fois le microscope pour étudier les caries.
Suite à la Loi Chapelier de 1791, la profession de médecin, de chirurgien et de dentiste est libre. Des écoles départementales de santé voient le jour en 1792.

Le XIXe s.
La Société des Chirurgiens-dentistes est créée en 1845.
En 1880, la première école dentaire (privée) ouvre ses portes à Paris.

Le XXe s.
Au début du siècle, il existe quelques écoles privées de chirurgie dentaire.
En 1900, le premier enseignement dentaire d’Etat est mis en place à Nancy. En 1903, le premier enseignement dentaire à Lille voit le jour. Le Docteur Abel Caumartin est nommé Directeur de la clinique et des travaux de prothèse de l’enseignement dentaire. Les Docteurs Jean Soleil, Georges Carlier, les professeurs Marcel Lemaire et Michel Goudaert sont parvenu à placer cet enseignement dentaire parmi les premiers.

Sources :

  • Article « Le diplôme de chirurgie dentaire a 100 ans », La Voix du Nord, 24 novembre 1992.
  • Fascicule de la conférence du Pr Pol Danhiez sur « L’évolution de la chirurgie dentaire de la Préhistoire à nos jours », Association du Musée Hospitalier Régional de Lille, 1992.